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Articles par thèmes :
Tchernobyl
Articles par pays :
Suisse
Journal par No :
No 68, décembre 2002
Auteurs :
Paul Bonny
No 68, décembre 2002
Publié le lundi 8 octobre 2007

Paul Bonny :


L’office fédéral de l’énergie infiltré par le lobby nucléaire

Sept cadres supérieurs – dont le Directeur – de la DSN (Division principale de la sécurité des installations nucléaires) sont membres de l’Association suisse pour l’énergie atomique (ASPEA).

La revue « Energie & Umwelt » révèle ces fréquentations ambiguës dans son numéro 1/02. On y découvre en outre que le Dr Johannis Nöggerath, chef de la recherche sur la sécurité nucléaire, siège également au Conseil d’administration de la SOSIN, soit la Société suisse des ingénieurs nucléaires. Cette organisation s’est surtout manifestée en minimisant les dangers du nucléaire et en tentant de faire croire au bon peuple que la radioactivité de nos centrales était tout ce qu’il y a de plus naturelle. Donc sans danger.

On ne peut que s’inquiéter en découvrant qu’une fois de plus, le débat sur le nucléaire est faussé par un lobby doublement redoutable : non seulement il a muselé l’organisme qui devrait dénoncer les dangers de cette industrie pour notre santé - l’OMS1 - mais il a encore réussi à noyauter nos autorités fédérales.

Résultat : ceux qui devraient surveiller le nucléaire en sont devenus les promoteurs. Et ceux qui devraient le condamner se taisent.

Quant aux décisions politiques pour sortir au plus vite de l’impasse nucléaire et se tourner résolument vers les énergies renouvelables, on comprend maintenant pourquoi elles se font attendre !

Paul Bonny

1 L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est placée depuis 1959 sous la tutelle de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) dont le rôle est de promouvoir l’énergie nucléaire dans le monde. L’accord qui lie ces deux organisations membres de l’ONU prévoit qu’elles “agiront en coopération étroite”.


Conséquences de Tchernobyl pour la Suisse Dernières nouvelles de Berne

Premier résultat tangible suite à notre échange de correspondance avec Ruth Dreifuss en vue de connaître les conséquences sanitaires de Tchernobyl en Suisse* : une réunion nous a été proposée à Berne.

Nous y avons rencontré une délégation de l’Office fédéral de la santé publique (MM. B. Michaud, sous directeur, et C. Murith) ainsi que le Président de la Commission fédérale de protection contre les radiations et de surveillance de la radioactivité (M. J.-F. Valley). Etait également invité M. J.-M. Lutz, Institut de Médecine Sociale et Préventive, responsable du registre des cancers. Malheureusement, il s’est fait excuser. Cette réunion s’est tenue à Liebefeld, près de Berne, le 3 octobre dernier, de 14 h à 17 h. La délégation de ContrAtom comprenait Michèle Rivasi (partie de Valence à quatre heures du matin, bravo et merci !) le Prof. Michel Fernex et le soussigné.

Seize questions pour tenter d’y voir clair

Souhaitant recevoir des réponses satisfaisantes à nos interrogations, nous avions décidé d’adresser nos questions deux semaines avant la séance. Voici les 16 questions posées :

  • 1. Peut-on obtenir les mesures des différents radionucléides enregistrés après l’explosion de Tchernobyl, fin avril/début mai 1986 ? En particulier les valeurs mesurées dans l’air et au sol pour les isotopes de l’iode, dans divers cantons, villes et montagnes, Jura et Alpes ?
  • 2. Quelles ont été les consignes données à la population et à quelles dates, en avril-mai 1986 ?
  • 3. Les directives allemandes étaient différentes de celles de la Suisse, celles de la France semblent avoir fait défaut. Aviez-vous des contacts avec les autorités des pays voisins, et notamment l’Autriche, le plus touché ?
  • 4. Les données qui figurent dans l’Atlas du Césium de la CE (1998) ont été livrées par l’Etat suisse. A quelle date ont-elles été mesurées ?
  • 5. Quelles sont les constatations faites au niveau des transferts dans la chaîne alimentaire ?
  • 6. Qu’en est-il des produits laitiers tessinois exportés au nord de Alpes ? Quelle a été la durée de ces exportations ? Quelles sont les quantités de lait de chèvres et de vaches exportées ?
  • 7. Une analyse des cancers et leucémies du petit enfant a-t-elle été entreprise dans les régions fortement contaminées ? Quels sont les résultats ? Dans cinq régions occidentales (notamment en Grèce, Ecosse et Pays de Galles) une augmentation des leucémies a été constatée dans ce groupe.
  • 8. Des études épidémiologiques ont-elles été effectuées dans les régions les plus touchées et pour l’ensemble du territoire ? Y a-t-il eu chez nous, comme en Allemagne, augmentation de la mortalité périnatale, des enfants morts-nés et des malformations congénitales ?
  • 9. Comment peut-on comparer la contamination de Tchernobyl avec le rayonnement cosmique ? (Lettre R. Dreifuss - 19.06.01)
  • 10. Y a-t-il eu un suivi après les mesures de l’Atlas européen du Césium ? Quelles sont les valeurs en 2000 et aujourd’hui ? A-t-on des données sur le césium ? A-t-on des données sur les radionucléides, isotopes de l’iode, carbone 14, tricium, gaz rares, krypton etc. issus de nos installations atomiques ? Où peut-on les trouver ?
  • 11. Que pensez-vous de l’Atlas français publié en 2001 avec le concours de la CRIIRAD ?
  • 12. Les malades de la thyroïde s’organisent en France. Qu’en est-il en Suisse ?
  • 13. Votre département a contribué à la découverte d’études « non-scientifiques » financées par le lobby du tabac. Etes-vous disposés à rechercher également les études financées par le lobby nucléaire et orientées de façon à protéger cette industrie ?
  • 14. L’AIEA doit contrôler certaines activités dans le domaine nucléaire. Cette Agence connaissait-elle le projet de Lucens ? Etait-ce – comme la révélé la presse – une usine à plutonium ? L’AIEA a-t-elle aidé les experts suisses après la fonte du cœur, comme à Tchernobyl ? A-t-on mesuré la radioactivité de la nappe phréatique ? Quels sont les résultats ? L’Agence avait-elle découvert spontanément que la production d’uranium enrichi était destinée à une bombe atomique suisse ?
  • 15. Quelles sont les mesures prises en Suisse dans l’hypothèse d’un accident grave à Mühleberg (par ex.) ?
  • 16. Comment obtenir que les conseillers médicaux de nos ministres ne soient plus des promoteurs inconditionnels et non critiques du nucléaire ? Pensionné après avoir contribué à ignorer les risques liés à cette industrie, l’expert médical qui a le plus longtemps convaincu nos élus est aujourd’hui directeur de recherche au CEPN (une ONG créée par EDF, la COGEMA – AREVA – et le Commissariat à l’Energie Atomique). Le lobby nucléaire civil et militaire lui devait bien cette promotion, tout en sachant que les intérêts de l’industrie atomique seront bien dé fendus ! Et dire que ce sont ses équipes qui étudient les conséquences de Tchernobyl…

Dix kilos de papier en guise de réponse

« Vous trouverez toutes les réponses à vos questions dans ces rapports » annonça fièrement M. Murith en caressant un volumineux carton bourré de documents !

Merci… et soyez gentil de me les envoyer à Valence, car c’est un peu lourd et… je voyage en train… répondit Michèle Rivasi. Ce qui fut fait. Et Michel Fernex recevait à Rodersdorf la même ration (10 kg) de documents. Il faudra encore un peu de temps à Michèle et à Michel pour compulser ces rapports et y trouver – espérons-le – les réponses à nos interrogations. Nous reviendrons donc en temps utile sur ce dossier.

Une conversation surréaliste

Était-ce l’atmosphère étouffante de ces lieux écrasants, mal ventilés et surchauffés, où je me sentais proche de la déshydratation ? Était-ce le niveau assez technique des propos qui échappaient parfois au néophyte ? Toujours est-il que l’aimable conversation qui s’est engagée m’a parue passablement déshumanisée, hors du réel, inquiétante. Visiblement, nos hôtes étaient satisfaits : ils avaient mis sur le papier des chiffres, des courbes, des analyses, des limites, des doses et, surtout, des propos rassurants. Mission accomplie. Tout est sous contrôle. Où est le problème ?

On peut tout de même être surpris qu’à l’Office fédéral de la santé publique, pour évoquer un problème concernant la santé de millions de gens, il ne se soit pas trouvé un médecin pour participer à cette séance. La présence, dans notre délégation, du prof. Fernex ne méritait-elle pas que l’on prévoit un interlocuteur à son niveau ?

Bien que les réponses à nos questions allaient nous être livrées noir sur blanc, on tenta quand même d’aborder les sujets qui nous tenaient particulièrement à cœur. En résumé :

Le lait : la Suisse a pris toutes les mesures nécessaires pour que les normes soient respectées (370 Bq/l). Les contrôles ont été effectués à la production et sur les produits, avant leur mise sur le marché. Ce qui se passe dans les centrales laitières échappe à ces contrôles. Et l’on dit effectivement que le Tessin a exporté en Suisse centrale son lait contaminé afin de le diluer dans du lait « propre »…

Information : selon les journaux de mai 1986, les « recommandations » étaient effectivement assez peu contraignantes. Mais la leçon a été tirée, et désormais, cette notion disparaîtra. La nouvelle loi prescrit uniquement « des mesures contraignantes ». Les populations isolées ont été informées par la radio. Il n’y a pas eu d’harmonisation de l’information entre les différents pays touchés par le nuage de Tchernobyl.

Études épidémiologiques : des études sont en cours. Certaines sont controversées. Au fait, qui décide d’entreprendre ces études ? Personne ne sait. Et certaines de ces études ne sont jamais réalisées « parce qu’on connaît d’avance les résultats… » Michèle Rivasi insiste sur l’urgence d’entreprendre ces études. Il faut se donner les moyens nécessaires afin d’informer les gens pour les rendre responsables !

Michel Fernex s’inquiète de l’augmentation des maladies auto-immunes, des allergies, des malformations, du diabète, dont il faut rechercher les liens avec la contamination au césium.

Éthique : devant le malaise croissant de certains scientifiques intègres, il devient nécessaire de créer une large prise de conscience éthique internationale. Les laboratoires doivent pouvoir travailler à l’abri des pressions et en toute indépendance financière. Ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Paul Bonny

NB L’opinion de Michèle Rivasi et de Michel Fernex sur les réponses trouvées dans la documentation de l’OFSP sera publiée dans notre prochain bulletin. * Notre premier courrier datait du 7 mai 2001 ! Voir nos bulletins Nos 60 et 62 .

 
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