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Articles par thèmes :
Fusion ITER
Articles par pays :
France
Journal par No :
No 72, décembre 2003
Auteurs :
Fabienne Gautier
No 72, décembre 2003
Publié le vendredi 28 septembre 2007

ITER : un projet démentiel

Avec le futur réacteur thermonucléaire expérimental (ITER)*, le rêve prométhéen de la fusion nucléaire risque de devenir le prochain cauchemar des écologistes français.

Après Superphénix, la France s’apprête à engloutir ses budgets de recherche en matière d’énergie dans un nouveau rêve scientifique de grande envergure : le réacteur de fusion ou ITER.

La France bat l’Espagne

Le 25 novembre, face à l’Espagne, la France a perdu la Coupe de l’America, mais elle a gagné l’ITER (voir encadré). En effet, ce jour-là Vandellos, site nucléaire proche de Barcelone, est battu par Cadarache, important centre nucléaire situé dans les Bouches-du-Rhône, puisque c’est ce dernier qui a été désigné par le Conseil des ministres de la Recherche, réuni à Bruxelles, pour défendre les couleurs de l’Europe comme hôte potentiel du futur réacteur ITER. Comme s’est empressé de l’annoncer le Maire de Marseille, c’est une grande victoire pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui table sur des retombées économiques considérables et sur des milliers d’emplois si le site de Cadarache, en lice désormais avec le site japonais de Rokkasho-Mura, était finalement retenu. La réunion internationale qui doit trancher entre ces deux sites se tiendra le 20 décembre à Washington.

Problèmes de Cadarache

Cela fait près de cinquante ans que des laboratoires de pointe du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), composés de 18 installations nucléaires de base comportant en tout 450 bâtiments et employant 4’000 personnes, sont implantés sur les 1’600 hectares verdoyants du centre de Cadarache. Le tout situé sur la faille sismique de la Durance dont tous les spécialistes reconnaissent qu’elle peut donner lieu à un séisme de très grande puissance. En 2001, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) estimait d’ailleurs que six installations du centre de Cadarache devaient être arrêtées pour tenue au séisme insuffisante.

Oppositions

Les Verts français disent non au projet ITER qui s’inscrit, selon eux, dans la conception dépassée d’un progrès d’abondance illimitée illusoire. Ils estiment qu’au contraire, des investissements massifs doivent être faits dans le secteur des économies d’énergie et des énergies renouvelables. Or les projets pharaoniques mobilisent des crédits considérables tandis que les énergies renouvelables bénéficient de subventions minables et connaissent un développement dérisoire en France, et que les crédits pour l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) sont en constante diminution.

De son côté, le Réseau Sortir du Nucléaire, dans un communiqué de presse du 26 novembre 2003, estimait que « L’ITER est un choix à faire en matière de recherche fondamentale. Bien malin qui pourra dire dans 50 ans, 100 ans voire 200 ans si ce choix aboutira ou non à une production d’énergie électrique. »

« L’ITER n’est en aucun cas le choix d’un réacteur nucléaire de plus mais c’est un choix de budget en moins. Le pays hôte déboursera un minimum de 1,5 milliard d’euros pour l’ITER (correspondant à la prise en charge du quart du coût minimum estimé sur un financement international de 5 milliards d’euros). Le budget ‘recherche-énergie’ n’étant pas extensible cela sera autant de moins pour les filières dans lesquelles nous sommes déjà lamentablement à la traîne (énergies renouvelables et efficacité énergétique) avec 2% de crédits publics pour la recherche et le développement et une réduction cette année de plus de 30% du budget de l’ADEME. (…) »

« Faire le choix de l’ITER c’est promettre la lune en utilisant le soleil comme caution. Ce choix politique conditionne au mieux 100 ans de budget de recherches internationales sur l’énergie. La recherche sur l’énergie mérite mieux assurément. Laissons le Soleil à sa place et tournons nous vers ce qui ne demande qu’à progresser : les énergies renouvelables qui en sont issues. »

« L’expérimentation sera, en outre, grosse consommatrice d’énergie. Plusieurs réacteurs nucléaires classiques tourneront en permanence. (...) Sans produire un centime d’euro d’énergie, ITER s’annonce déjà comme un producteur massif de déchets nucléaires indirects et de déchets radioactifs directs (notamment le tritium) par l’activation de l’enceinte par les neutrons issus des réactions ». Selon Greenpeace, ITER et la recherche sur la fusion nucléaire représentent « un projet démentiel ». Greenpeace dénonce le fait que l’Europe « s’obstine à poursuivre une option énergétique néfaste, qui n’est pas susceptible de fonctionner à court terme, alors que d’autres options écologiquement acceptables existent déjà ».

Fabienne Gautier

(1) Un Tokamak, c’est comme une chambre à air de pneu entourée de puissants aimants configurés de telle sorte qu’ils créent un piège magnétique. Le gaz est confiné à l’intérieur. Une fois piégé, il faut le chauffer, par de fortes impulsions de radiofréquences. Puis maîtriser les turbulences du plasma et en récupérer l’énergie (chaleur et neutrons).

(2) Tore Supra est un équipement de conception comparable, en trois fois plus petit, au réacteur Iter, construit à Cadarache Source : LIBERATION 27/11/03 Domestiquer le feu du Soleil Par Sylvestre HUET, Réseau sortir du nucléaire, Greenpeace

* L’ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) est le plus important programme de recherche international depuis la station spatiale, auquel participent l’Europe, les États-Unis, le Canada, la Russie, le Japon, la Chine et la Corée du Sud. Ce projet qui représente un investissement de 10 milliards d’euros sur trente ans, vise à construire un réacteur de fusion. Explications : solution de rechange à la fission nucléaire, la fusion nucléaire contrôlée a l’ambition de reproduire ce qui se passe au cœur du soleil. C’est en effet l’énergie dégagée par la fusion des noyaux d’hydrogène qui fait briller les étoiles.

Mais, si la mise au point des réacteurs civils à fission a suivi de près celle des bombes du même nom, la fusion s’est révélée plus difficile. Alors qu’il est possible de réaliser des réacteurs à fission miniature ou de puissance dérisoire, la fusion ne marche qu’au prix de pressions ou de températures gigantesques. Au cœur du Soleil, 15 millions de degrés. Dans la chambre à vide de l’ITER, à pression normale, il faudra chauffer le gaz à 100 millions de degrés pour que les noyaux d’hydrogène lourd (le deutérium et le tritium) consentent à se marier. Il faut donc réaliser une machine singulière, selon le principe du Tokamak, inventé par les physiciens soviétiques (1).

En effet, il n’existe pas sur Terre de « chaudron » capable de supporter les températures des plasmas (gaz ionisés) brûlants où naissent les réactions de fusion. Sauf à fabriquer une enceinte possédant des parois immatérielles sculptées par de puissants champs magnétiques.

L’extrême difficulté des technologies a démenti l’optimisme des ingénieurs qui, il y a trente ans, nous promettaient pour l’an 2000, grâce à la fusion, une électricité sans limites de combustible et propre. Pour l’heure la plus forte décharge de plasma, c’est-à-dire une production d’énergie, a été obtenue pendant 6 minutes et demie, le 4 décembre dernier, dans le réacteur Tore Supra (2) conduisant à extraire environ 1.000 mégajoules d’énergie thermique au cours de l’expérience.

 
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